lundi 27 février 2006

Inventeurs oubliés

Les grandes surfaces qui apparaissent après-guerre sont une autre application des techniques nées du conflit. L’armée américaine met en place de vastes centres de distribution à l’étranger, appelés Big PXs (pour Post eXchange), pour les soldats expatriés et leurs familles, dans les bases comme celles de l’OTAN, véritables oasis de prospérité au milieu de pays en reconstruction. L’organisation rationnelle, l’efficacité, la propreté, les discounts, les services après-vente, l’expédition à domicile, etc., tout cela tranche avec les coutumes locales, le petit commerce du coin. Ce sont ces techniques qui vont être adoptées aux États-Unis sur une grande échelle après la guerre. Les infrastructures routières se multiplient, des milliards sont investis par l’État fédéral dans la construction d’un immense réseau, le Interstate Highway Program (7 milliards de dollars en moyenne par an entre 1956 et 1981, contre un dans les années trente). Les automobiles, les camions, les aéroports et les centres commerciaux remplacent les chemins de fer, les mines et les usines comme symboles de la modernité.Les pionniers et inventeurs de cette modernité n’ont pas laissé leur nom dans l’histoire, une histoire qui s’est étendue par la suite à la planète entière. C’est d’abord Charles Saunders qui crée le premier supermarché en 1916 à Memphis, Tennessee. La pénurie de main d’œuvre anticipée, du fait de la mobilisation, lui donne l’idée de laisser le client se servir avec un panier, au lieu de demander à un vendeur de lui chercher les articles un par un. Ses magasins self-serving, Piggy-Wiggly, sont une centaine en 1940. C’est ensuite Sylvan Goldman, à Oklahoma City en 1936, qui est le premier à mettre un panier sur des roues, le basket carrier, notre caddy. Les clients mettent du temps à accepter l’innovation et Goldman paye des employés à lui pour circuler toute la journée dans les allées avec ces chariots, afin de convaincre la clientèle… C’est Clarence Birdseye qui invente la nourriture surgelée, dans le Massachusetts, alors qu’il est dans une partie de pêche en hiver, sur un lac glacé. Les « Frigidinners » et « Strato Meals » sont lancés peu après, en 1946. Les chaînes de fast-food et les restaurants franchisés apparaissent à la même époque, comme ceux créés par Howard Johnson ou Harland Sanders (Kentucky Fried Chicken). C’est Royce Hailey qui crée le premier restaurant Drive in, dès 1921, le Pig Stand, au Texas. C’est Kemmon Wilson qui lance la première chaîne d’hôtels dans les périphéries urbaines, les Holiday Inns, en 1952. C’est enfin Victor Gruen (photo), un émigré autrichien, chassé par les nazis et l’Anschluss, arrivé en Amérique en 1938 avec huit dollars en poche, qui a l’idée du shopping mall, le centre commercial, reproduisant en banlieue l’esprit des rues commerçantes animées des villes d’Europe centrale. Le premier est lancé à Edina, banlieue de Minneapolis, en 1956.
Voir : M. Jeffrey Hardwick, Mall Maker: Victor Gruen, Architect of an American Dream. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2004. 276 pp. Notes and index. (cloth), ISBN 0-8122-3762-5. Critique

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jeudi 9 février 2006

Dr Admirable

« Des machines pourront être fabriquées grâce auxquelles les plus grands navires, avec un seul homme les pilotant, se déplaceront plus vite que s’ils étaient propulsés par des rameurs ; des wagons pourront être construits qui se déplaceront à une vitesse incroyable, et sans l’aide d’animaux ; des machines volantes seront réalisées, dans lesquelles un homme pourra dominer l’air avec des ailes semblables à celles d’un oiseau… Des machines permettront d’aller au fond des mers et des rivières. » Roger Bacon, vers 1260



Théologien et philosophe anglais (1214-1294), protégé du pape Clément IV, précurseur de la pensée moderne par sa contestation des idées reçues, de l’autorité, au bénéfice de l’expérimentation. Surnommé Dr Admirable, étudiant puis professeur à la Sorbonne et à Oxford, moine franciscain, emprisonné de 1277 à 1292 pour ses thèses astrologiques ; auteur de l’Opus majus, l’Opus minus et l’Opus tertium, ainsi que de traités d’acoustique et d’optique, il contribua à l’avènement de la méthode expérimentale et à l’introduction des mathématiques dans les sciences de la nature.

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"We Die Together. Let's Eat Together."

Rencontre Roosevelt-Randolph (chef du syndicat des porteurs de Sleeping-Cars, et leader du mouvement noir), le 18 juin 1941 :
“Roosevelt opened the session with his customary persiflage, irrelevantly inquiring which Harvard class Randolph was in. “I never went to Harvard, Mr President”, Randolph coolly replied. “Well, Phil, what do you want me to do?” Roosevelt asked at last. "Issue an executive order prohibiting discrimination in defense plants", answered Randolph. “You know I can’t do that” said Roosevelt. “In any event I couldn’t do anything unless you called off this march of yours. Questions like this can’t be settled with a sledge hammer.” He was sorry, said Randolph, but without an executive order the march would take place as scheduled. It was not the policy of the president of the United States to be ruled with a gun at his head, Roosevelt declared. “Call it off”, he said curtly, “and we’ll talk again”. But Randolph was no Trotter*, and he calmly stood his ground. Fiorello La Guardia finally broke the impasse. “Gentlemen”, he said, “it is clear that Mr Randolph is not going to call off the march, and I suggest we all begin to seek a formula.” The formula took the shape of Executive Order 8802, issued on June 25, 1941. “There shall be no discrimination in the employment of workers in defense industries or government because of race, creed, color, or national origin”, it declared. […] Ironically, there was no mention of segregation in the armed forces, the issue that had been Randolph’s original concern. Yet the order was a spectacular victory for Randolph and defined a crucial pivot in the history of African-Americans. As one Negro newspaper noted, it “demonstrated to the Doubting Thomases among us that only mass action can pry open the doors that have been erected against America’s black minority”. A rising mood of militancy took hold in the black community. […] The NAACP grew nearly tenfold during the war, to some half a million members. The more militant CORE (Congress of Racial Equality) began in 1942 to mount interracial demonstrations to force the desegregation of restaurants, theatres, and municipal bus lines. Tellingly, picketers outside a Washington DC restaurant in 1944 carried placards that read: “Are you for Hitler’s way or the American Way?” and “We Die Together. Let’s Eat Together.””


Philip Randolph, 1889-1979

David Kennedy, Freedom from Fear, The American People in Depression and War, 1929-1945, Oxford University Press, 1999

* William Monroe Trotter, un leader noir renvoyé par Coolidge sans ménagement en 1925, alors qu’il venait protester contre les lynchages.

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Czech villager

"General Stilwell noted about the GIs in WWII that they were obedient but idiosyncratic, willing but not too enthusiastic. That attitude could be observed most closely in their marching. It was not that the men walked out of step, or that they could not move about in bodies with ease and dispatch. It was that each man stepped out or swung his arms in his own way, giving European observers an impression of incipient discordance in any body of marching GIs. No amount of close order drill could completely erase that impression, for the GI never made that ultimate, intimate surrender of the individual to the mass... A Czech villager remarked to an American officer as they both watched American soldiers swing by, 'They walk like free men.'"
Extrait du livre de Michael Bennett, When Dreams came true, Brassey's, 1996

Lamballe, février 1945

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Liberty cabbage

Après l'engagement en 1917 dans la Grande Guerre, les États-Unis prennent des mesures très sévères : des centaines de manifestants opposés à la guerre sont jetés en prison, ainsi que Eugene Debs, le candidat marxiste à l'élection présidentielle de 1912, des journaux sont interdits, l'espionnage des voisins est encouragé, et aussi des décisions plus étonnantes comme l'interdiction de jouer Mozart et Beethoven dans les écoles, le changement de nom de la choucroute (Sauerkraut) qui devient le liberty cabbage (chou de la liberté), le chef d'orchestre du Boston Symphony est arrêté pour avoir refusé de jouer le Star-Spangled Banner (une chanson qui n'est devenue l'hymne national qu'en 1931 !)…

Le pays, en proie à une immigration massive depuis vingt ans, avec une population énorme ne parlant même pas l'anglais, subit une véritable dépression nerveuse (« national nervous breakdown »), à laquelle s'ajoute la Red Scare (peur des rouges) liée à la révolution de 1917 en Russie, une peur qui va durer jusqu'en 1922 (38 personnes sont tuées à Wall Street par une bombe, en 1920, et des centaines blessées, à l'apogée de cette agitation). Le syndicat marxiste IWW s'était opposé à la conscription : "Capitalists of the World, we will fight against you, not for you. Conscription! There is not a power on earth that can make the working class fight if they refuse." Le président Woodrow Wilson avait prévu tout cela dès la déclaration de guerre : "Once lead this people into war and they'll forget there ever was such a thing as tolerance. To fight, you must be brutal and ruthless, and the spirit of ruthless brutality will enter into the very fiber of your national life, infecting Congress, the courts, the policeman on the beat, the man in the street." Au même moment, en 1920, deux amendements sont ajoutés à la Constitution, le 19ème (vote des femmes) et le 20ème (prohibition de l'alcool), liés d'ailleurs entre eux et au leadership des White upper-middle-class native born Americans and Anglo-Saxon Protestants, les WASP de la classe moyenne supérieure nés dans le pays.

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mardi 7 février 2006

A l'époque des R16, halte dans le Val de Loire...

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